Taxe rose : toutes les questions que vous vous posiez sur le marketing genré

Voici la FAQ spéciale taxe rose : suite à plusieurs milliers de commentaires, quelques insultes et surtout beaucoup d’interrogations,  nous avons établi cette FAQ, en espérant que vous y trouverez votre bonheur… Pour l’instant, en français seulement.

Pourquoi cette taxe rose ?

Un prix repose en partie sur des coûts de fabrication, en partie sur des marges distributeurs, en partie sur des volumétries. Ceci reste rationnel et ce sont les seuls arguments entendus jusqu’à présent de la part des marques et des distributeurs. En revanche, pas un mot, jamais, de la partie irrationnelle de la méthode, à savoir la PERCEPTION : les produits genrés féminins sont plus chers car les femmes sont poussées davantage à investir sur leur apparence.
Les stéréotypes de genre font apparaître les femmes comme techniquement moins compétentes que les hommes, aussi, pour certaines prestations de service on va leur faire payer davantage en misant sur le fait qu’elles n’auront pas les compétences techniques pour s’assurer qu’elles ne se font pas arnaquer.

Plusieurs industriels ont affirmé n’avoir jamais entendu parler de la taxe rose

C’est une erreur de leur part, pas un argument pour dénoncer une “intox”. Sophie Gourion sur son blog tout à l’ego a publié le premier écrit sur le sujet en France en mai 2014. Les spécialistes de marketing sont censés regarder de temps en temps les exemples et les évolutions de la législation. Aux Etats-Unis, plusieurs états ont interdit le marketing genré. Les “spécialistes” auraient pu 1/ s’informer sur le pourquoi de cette nouvelle législation 2/ se dire que chez nous, ça pourrait aussi inspirer la DGCCRF. Leur boulot ce n’est pas de “prévoir les évolutions des conditions et des normes du marché”?

Pourquoi les femmes n’achètent-elles pas les produits les moins chers en bleu ?

Si les produits hommes et femmes se trouvaient dans les mêmes rayons, les femmes pourraient comparer les prix et ainsi conscientiser ces différences. Mais les rayons femmes/hommes sont distincts. Sérieusement, vous aimez faire les courses au point d’aller systématiquement comparer les prix dans les 2 rayons ? Georgette Sand demande à ce que le classement des produits et des prestations ne répondent plus à une logique binaire femmes/hommes mais à des critères plus basiques qui ne véhiculent pas de stéréotypes quant aux couleurs, aux odeurs ou aux caractéristiques psychologiques associées :
- Rangement par type de produits dans les supermarchés et non selon un classement femmes/hommes. Idem pour les jouets pour les enfants
- Prix selon les prestations proposées et le temps consacré chez le coiffeur ou le cordonnier
- Prix unisexes dans les retoucheries et les teintureries
- Plus de transparence dans les tarifs de certaines prestations de service comme par exemple les garagistes
- Interdiction de prix genrés en général (qui peuvent exister jusque dans les auberges de jeunesse !)

Monoprix l’a dit : ils vendent plus de rasoirs bleus. La différence de prix se justifie par les économies d’échelle

Un produit unisexe permettrait encore plus d’économies d’échelle pour les hommes et les femmes !
Et si c’est une question d’économies d’échelles, pourquoi les parfums ou encore les crèmes anti-rides sont plus chères pour les femmes (50€ de différence au litre entre la crème pour hommes et la crème pour femmes la moins onéreuse !) alors qu’on en vend bien plus pour les femmes! Les hommes bénéficient de tarifs moindres parce qu’ils sont considérés comme nouveaux entrants sur le marché de la cosmétique et qu’il s’agit de leur proposer des prix d’appel.
Personne ne nous fera croire que les rasoirs jetables sont produits dans des usines françaises de façon différenciée, préemballés avec des petits noeunoeuds roses pour les rasoirs de filles et les bleus pour les rasoirs de garçons… Ce sont des produits qui sont faits pour le monde entier en Asie, dans les mêmes chaînes d’assemblage, dans des volumes qui nous sont inconnus et avec des différences de prix qui ne doivent pas être si sensibles au début de la chaîne, puisqu’ils sont justement vendus au monde entier

Le produit n’est pas exactement le même : chez les femmes le gel de rasage dispose de plus d’extraits d’aloé véra et le diffuseur est plus petit.

Parce que l’aloé véra vous semble plus indispensable pour raser les jambes et les aisselles d’une femme que le visage d’un homme ? A quoi sert un petit diffuseur quand de toute manière le gel transite d’abord par la paume de la main avant application ?

Les hommes aussi payent certains produits plus chers

C’est vrai, nous dénonçons le marketing genré dans son ensemble et avons pris soin de mettre tous les exemples en défaveur des hommes que nous avons trouvés sur notre tumblr womantax : womantax.tumblr.com. Néanmoins les femmes sont bien plus lésées que les hommes au niveau des prix. Et rappelons que pour elles c’est la double peine : elles gagnent toujours 27% de moins que les hommes.

Ce n’est pas très féministe de s’attaquer à un sujet de consommation

Quoi qu’elles disent ou fassent, les féministes ont tort, priorisent mal leurs sujets. Comme si toutes ces questions n’étaient pas intrinsèquement liées ! Focaliser sur les prix permet de parler des inégalités qui perdurent entre les sexes. Il y en a de bien plus graves d’inégalités mais ce n’est pas une raison suffisante pour laisser celle-ci perdurer.

Pourquoi les femmes acceptent-elles de payer plus cher ?

Ce qui compose l’essentiel du prix d’un produit de grande consommation, c’est le “coût intangible” de la pub (et oui les pubs sexistes qui dégradent les femmes ont en plus une répercussion sur le prix du produit acheté) et de la “valeur affective” d’un produit (j‘“affectionne” trop mon déo, il est porté par plein de stars qui empochent des cachets délirants pour dire que leurs divines aisselles le portent aussi, en fait c’est pour ça qu’il est plus cher). Si des panels de consommateurs testeurs sont genrés, s’ils sont interrogés de façon non mixte sur le prix idéal du produit, et que les consommatrices répondent un prix plus élevé, c’est on ne peut plus normal : depuis des années, elles voient dans les pages des journaux féminins et dans les rayons destinés aux femmes des rasoirs et des déos à des coûts plus élevés, des produits qui sont toujours plus chers que ceux des hommes! C’est donc une tautologie absolue : je suis habituée à acheter mes rasoirs roses pourris à deux lames à 1 euros 80 le paquet, je vais donc répondre que le prix normal pour le prochain rasoir rose thé avec particules de soie c’est 1 euro 90, parce que l’on ne m’a pas fait tester le rasoir bleu trois lames dans le rayon d’à côté 25% moins cher depuis des années… Pour ce produit-là, les cohortes de testeurs masculins évalueront le prix moins cher, en fonction de leurs habitudes de consommateurs.
L’hyper-spécialisation permet au marketing de créer des niches, de trouver de nouveaux consommateurs et de fixer des tarifs plus haut car nous avons collectivement tendance à débourser davantage pour un produit dont nous avons l’illusion qu’il répond pleinement aux besoins /caractéristiques qui nous correspondent.
Cela pousse également au double achat, plutôt que de prendre un gel douche grand format (donc moins cher au litre), un couple hétéro va pouvoir être tenté d’en prendre 2 de plus petit format, l’un pour l’homme, l’autre pour la femme. Une famille avec des enfants de sexe différent va hésiter avant de confier le vélo rose de la petite fille au petit garçon qui lui a succédé…

Quand entendra-t-on le discours du marketing intelligent ?

“C’est vrai les autres enseignes proposent des prix plus chers pour les rasoirs ou la cosmétique féminine; nous, nous avons décidé de prendre le problème autrement et nous déclarons dans nos rayons le principe suivant “à produit identique prix identique”. Nous n’y perdrons pas en terme de volumes puisque tous les consommatrices qui font en ont marre d’être prises pour des quiches viendront chez nous”. Alors, qui sera la ou le précurseur-e ?
En attendant, nous pensons qu’il faut boycotter les produits genrés plus chers pour les femmes. Nous ne sommes pas des pigeonnes.

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